J’étais avec un ami, Arnaud Floch, chez un couple d’amis commun, dans un appartement modeste mais très agréable, lumineux, décoré avec goût. Nous devions prendre un train dans une heure et, en attendant nous papotions autour d'un thé. Mon amie me parlait et j’étais distraite, je regardais ma montre sans arrêt, un long moment plus tard je compris pourquoi : Ce n'était pas la mienne. « Ma montre n’est pas de cette couleur» dis-je. Je la changeais et goûtais enfin un sentiment de quiétude. L’heure approchait de rassembler nos bagages et de partir ; nous avions vu large pour ne pas nous presser jusqu'à la gare. Avant de quitter l’appartement, je ne cessais de compter mes bagages, persuadée qu'il en manquait forcément un, deux, à moins que je n'ai oublié combien ils étaient au départ... (Nota : En ce moment je lis le manifeste sur les emballages de Tadeusz Kantor.)
Tentant péniblement de rassembler mes sacs, je m’empêtrais dans mon inventaire et, j'essayais les multiples manières de les porter de façon rationnelle... Puis, enfin, nous partîmes. Nos amis nous accompagnaient jusqu'à la gare, nous avions le temps. En approchant, celle-ci prit un aspect aussi sordide que l’appartement de nos amis m'avait paru plaisant ; c’était un bouge crasseux et sombre ; nous arrivions pendant un contrôle de police, des hommes étaient fouillés face aux murs, le sol plein d’immondices, les habitations de proximité tenaient lieu de squats ; Arnaud Floch avait disparu, l'ami qui nous accompagnait prit congé soudainement parce qu’il avait une boulette de shit dans sa poche, je me retrouvais seule. Pourtant, sa femme était à mes côtés tandis que je consultais le panneau des horaires de train et m'aperçu, avec horreur, que... j’avais oublié mes bagages ! Prise de panique je couru à perdre haleine jusqu'à l'appartement, le cœur prêt à se rompre, en espérant avoir le temps de faire l’aller/retour. Quand je retrouvais la gare, chargée comme une mule, celle-ci me parut impénétrable. Elle n'était qu'un dédale de couloirs et une anarchie signalétique, je ne comprenais rien, les sanglots me montaient à la gorge, j’avais conscience que je n’aurais jamais le temps de me repérer ni de déchiffrer une quelconque information avant d'embarquer. L'amie, une main sur mon épaule me dit avec douceur : « Je crois que c’est mort. » J’étais dévastée. Le couple m’entourait à nouveau, visiblement désolé pour moi. Afin de les libérer en confiant le seul recours qu'il me restait je déclarais : « Dans ces cas-là j’appelle mon père. »